RAMONA

Ramona est un prénom, et aussi le titre d’une chanson.

 

Ramona était une présence…maintenant est elle une absence qui nous donne l’exacte dimension de sa disparition.

 

Jamais,  avant je n’avais travaillé sur un sujet qui me concerne de si prés, mais la mort est un thème qui nous touche tous, et que nous évitons d’aborder comme si c’était contagieux.

 

La mort de la mère est une séparation doublement douloureuse,  qui nous confronte d’une manière brutale à notre propre mort. Travailler sur ce moment douloureux, est aussi parler de la vie et de la vitalité de quelqu’un qui à vécu et qui à aimé la vie, mais qui accepte sa propre disparition avec une lucidité époustouflante. Parler de la mort avec quelqu’un qui est en train de mourir, est un signe de confiance de celui qui part pour celui qui reste et peut-être aussi un transfert pour mieux l’affronter. N’étant pas croyante, j’ai été confrontée à l’ampleur de cette séparation et à l’importance des quelques mots, venant de la part de celle qui, par moments, nous tourné déjà le dos.

 

Dans la mort, je suis toujours surprise du manque de densité qui reste au corps, c’est toujours un moment que l’on craint et par lequel nous sommes obligés de passer pour pouvoir accepter le vide qui s’installe très vite, (on est devant une sorte de copie) en enlevant l’essence du caractère… mais ce vide pour celui qui reste, est très plein.

 

En art la notion du vide et du plein, sont des éléments essentiels, pour le travail de composition. Dans la peinture chinoise et japonaise le vide n’est pas complètement vide ; il évoque, il suggère, il renforce la composition en la laissant respirer. Un vide entre deux éléments peut aider à constituer un mouvement en lui conférant plus de force.

 

Dans cette série de tableaux qui retracent une vie à partir d’instantanés, le vide est là pour accentuer la présence fragmentée de quelqu’un qui n’est qu’un souvenir. En donnant à voir ces clichés, cette histoire prend une autre dimension.  Je pourrais aussi parler d’une trace, ou d’un souffle.  

 J’utilise des photos comme des flashes, remaniées, découpées, imprimées sur du rhodoïd, pour me donner la possibilité de travailler recto-verso et créer une impression de mouvement, (mouvement de déplacement, et de manipulation) Ce travail parle aussi du brouillard qui s’installe quand on essaye de se souvenir de quelqu’un. Les rhodoïds, grâce à leur pose sur les différentes matières qui servent de support (carton ondulé, peinture) brouillent un peu l’image.

 

Les photos m’aident à donner du corps à ce souvenir qui devient évanescent et que l’on a parfois du mal à cerner. En les sortant du contexte « album  de famille » je me situe dans un double hors-champ, en tant que spectatrice de ces photos, (pour certaines, depuis mon enfance) et en tant que créatrice, en  les utilisant comme une matière, dans un contexte pour lequel n’étaient pas prévues.

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Jochen Gerz, artiste berlinois, dit quelque chose sur sa position en tant qu’artiste : (en parlant d’un travail qu’il avait fait sur la mort de sa mère) « Entre le réel et sa représentation il y a un no man’s land. Mon travail se situe dans cette zone »

 

Lola Granell 2007

 

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